"Hadopi 2" confie au seul juge le pouvoir de prononcer la suppression de l'accès Internet à l'encontre des internautes responsables de téléchargement illégal. Il complète le dispositif pénal du projet de loi "Création et Internet" ("Hadopi 1") qui avait été censuré dans sa partie répressive par le Conseil constitutionnel le 10 juin.
Le texte doit repasser aujourd’hui devant l'Assemblée avant d'être définitivement adopté.
Catherine Dumas était l'oratrice du groupe UMP Sénat à l'occasion du vote sur ce texte. Voici le texte de son intervention :
« Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je reviendrai, pour ma part, au sujet qui nous occupe aujourd'hui, à savoir la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet.
Nous voici donc parvenus à l'étape ultime qui va permettre de mettre en place le dispositif de protection des droits d'auteur, très attendu des artistes et de tous les professionnels touchés par le « piratage ».
En effet, il est incontestable que le téléchargement illégal, s'il est transformé en un véritable comportement social de masse, entraîne automatiquement un manque à gagner considérable pour les créateurs, et constitue donc une menace pour les 130 000 Français qui travaillent dans le secteur de l'audiovisuel et du spectacle vivant.
Dans le domaine de la musique, le chiffre d'affaires des disques compact a diminué de 50 % en six ans ; les effectifs des maisons de production ont baissé de 30 % et le nombre des contrats de nouveaux artistes chute de 40 % chaque année. Les premières victimes sont non pas les majors, comme certains l'ont dit, mais les indépendants : 99 % des maisons de disques comptent moins de vingt salariés.
Concernant le cinéma, les téléchargements illégaux sont aussi nombreux que les entrées en salles, à savoir 450 000 par jour !
Le téléchargement illégal ruine les filières culturelles de notre pays. La loi HADOPI, complétée par ce second texte, est la suite logique des accords de l'Élysée de l'automne 2007, lesquels faisaient déjà suite au rapport de mission confiée à Denis Olivennes. Le Gouvernement s'appuie donc sur un texte approuvé par la quasi-totalité des milieux artistiques et culturels : auteurs connus ou moins connus, compositeurs, artistes, producteurs, réalisateurs et acteurs du monde audiovisuel.
Si nous sommes aujourd'hui réunis, c'est pour mettre le dispositif HADOPI en conformité avec la décision du Conseil constitutionnel rendue le 10 juin dernier, en vertu de laquelle la décision de suspension de l'abonnement en cas de téléchargement illégal ne pourra être du ressort d'une autorité administrative indépendante – la HADOPI – et devra nécessairement être prononcée par un magistrat.
Cette décision nous oblige à modifier le projet initial : le Gouvernement souhaitait, en effet, éviter au contrevenant la voie pénale. Il distinguait bien la situation du fraudeur occasionnel, relevant de l'autorité administrative de la HADOPI, du cas plus grave du fraudeur « massif » ou se livrant au piratage dans un but lucratif, jugé pour contrefaçon par les tribunaux.
Comme il n'est pas possible d'éviter une judiciarisation de la procédure, le Gouvernement s'est attaché à mettre en place un dispositif simple et rapide, qui demeure proportionné à la nature de la fraude.
Je tiens à souligner que le Conseil constitutionnel n'a pas abordé avec l'accès à internet la question du droit fondamental. Le cœur du dispositif mis en place par la loi « création et internet » demeure donc, fort heureusement, celui d'une « riposte graduée ». Cela doit être rappelé aux opposants à la loi, qui prétendaient que le Gouvernement menaçait les libertés individuelles.
Concrètement, l'internaute responsable de téléchargements illégaux recevra un premier courriel d'avertissement. S'il n'en tient pas compte, il en recevra un second, accompagné d'une lettre recommandée à son domicile. Ces recommandations visent à expliquer à l'internaute que la loi doit être respectée, y compris sur internet, et qu'il peut charger des fichiers de manière légale, ce qui permet de financer la création en France, et donc de rémunérer les artistes qu'il apprécie ! Enfin, s'il persiste, une sanction adaptée pourra être prise par le juge après transmission du dossier au parquet par la Haute Autorité, le juge pouvant fonder sa décision soit sur le délit de contrefaçon, soit sur la contravention pour négligence caractérisée. Une nouvelle peine est créée, la suspension de l'abonnement internet.
Ce dispositif est judicieux : il restaure la crédibilité de la sanction dans l'esprit des internautes ; certains ont parlé de « pédagogie ». Il est ainsi particulièrement dissuasif et devrait limiter les contentieux. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la sanction ne tombera pas du jour au lendemain, il faudra vraiment s'entêter pour la subir.
Je me réjouis que des amendements substantiels adoptés par le Sénat et l'Assemblée nationale apportent des garanties supplémentaires aux internautes concernés.
Notre commission, sous l'impulsion de son président Jacques Legendre, a ainsi souhaité clarifier la situation du titulaire de l'abonnement internet « négligent » n'ayant pas protégé suffisamment son accès à internet, en prévoyant un avertissement par courrier recommandé préalablement à toute sanction.
Elle s'est également attachée à éviter des sanctions disproportionnées : le fraudeur qui se réabonnera malgré la décision de suspension n'encourra pas une peine d'emprisonnement.
J'adhère également aux garanties proposées pour protéger la vie privée, notamment l'effacement des données personnelles une fois la période de suspension d'abonnement terminée ou encore, en cas de négligence, l'absence d'inscription de la sanction de suspension au bulletin n°3 du casier judiciaire, qui est accessible aux employeurs.
Je souhaite donc féliciter notre rapporteur, M. Michel Thiollière, qui s'est beaucoup investi dans l'étude des deux textes de loi, en assurant le respect des droits de chacun.
Je tiens également à féliciter le ministre de la culture et de la communication non seulement pour sa brillante intervention, mais également pour sa détermination à engager maintenant une réflexion plus globale sur la rémunération des créateurs et le financement des industries culturelles à l'ère du numérique.
Cela montre à notre collègue David Assouline, que j'ai trouvé très pessimiste, que, si la loi était une étape obligatoire, la réflexion sur l'espace Internet ne fait en vérité que commencer. Nous ne pouvons donc que nous réjouir d'avoir à nous revoir prochainement.
Comme le rappelait le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 22 juin dernier, « en défendant le droit d'auteur, nous ne défendons pas seulement la création artistique, nous défendons aussi l'idée que nous nous faisons d'une société de liberté, où la liberté de chacun est fondée sur le respect du droit des autres ». Notre groupe, qui adhère bien entendu pleinement à ces propos, votera bien sûr ce texte. »
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