Ce mercredi 7 janvier, Catherine Dumas était l'oratrice du groupe UMP sur le texte réformant l'audiovisuel public. Retrouvez ici le texte de son intervention en séance.
"Monsieur le Président, Madame la Ministre, mes chers collègues,
Qu’il me soit permis avant toute chose, une fois n’est pas coutume, de sortir quelque peu de la sphère politique, et de vous dire qu’avant-hier soir, j’ai partagé, en famille et en direct, en même temps que des millions de Français, un moment particulier.
Particulier, tout d’abord car cette soirée marquait le début d’une nouvelle ère pour le service public, « libéré » de la contrainte publicitaire. Beaucoup a déjà été dit sur ce sujet, à tort ou à raison, j’y reviendrai par la suite.
Particulier, surtout, parce que la télévision publique est revenue à sa vocation première de culture, d’information et de divertissement.
Plus libre, plus audacieuse, la télévision publique va désormais pouvoir prendre des risques, innover, miser sur des nouveaux programmes réservant une large part à la culture, à la création sous toutes ses formes, à la fiction, au documentaire, aux émissions historiques, à des programmes scientifiques, citoyens, ou encore des programmes éveillant les esprits aux grands défis de notre temps comme l’Europe ou le développement durable.
France 2 avait d’ailleurs fort judicieusement choisi pour son prime-time de lundi, « inaugurant » la nouvelle grille, un magazine de culture et de découverte, qui illustrait et exploitait parfaitement les nouvelles opportunités ouvertes au service public.
Particulier, enfin, car avec cette nouvelle télévision publique, nous allons pouvoir éveiller l’intérêt du téléspectateur en promouvant la qualité des programmes, bien au-delà des schémas traditionnels, dictés par les courbes d’audience et rythmés par la « sacro-sainte course à l’audimat ».
Beaucoup d’entre nous ont, je n’en doute pas, vécu en direct ce même moment lundi soir, qui était à la fois une tranche de vie du quotidien, mais aussi un moment en quelque sorte historique et important.
Historique, parce que les grandes réformes audiovisuelles sont rares. Important, car le poste de télévision occupe aujourd’hui une place considérable dans la vie de millions de nos compatriotes, qu’ils soient aisés ou non, ruraux ou citadins, du nord ou du sud.
Tout changement dans ce domaine implique donc beaucoup de courage. Du courage, notre Assemblée n’en a jamais manqué sur ce sujet.
Je souhaite rappeler que c’est grâce à l’impulsion décisive du Sénat, avec une volonté partagée tant par la droite que par la gauche, que l’une des dernières grandes transformations du paysage audiovisuel français a pu voir le jour, je parle ici de la Télévision Numérique Terrestre qui a modifié en profondeur et élargi considérablement l’éventail de la télévision gratuite pour les Français, en proposant à tous 18 chaînes accessibles en clair et sans abonnement supplémentaire.
Du courage, il nous en faudra encore aujourd’hui, pour transformer le service public de l’audiovisuel, le moderniser afin de répondre aux évolutions sociétales et technologiques, afin d’affirmer sa spécificité et afin de garantir sa qualité.
De courage, la présente loi en est empreinte. C’est avant tout une grande réforme culturelle. Le service public sans publicité : la gauche en a longtemps rêvé, et c’est une nouvelle fois notre gouvernement qui le fait !
Depuis que le Président de la République a annoncé, il y a quasiment un an jour pour jour, sa volonté de libérer la télévision publique de la publicité et de la dictature de l’audimat, un vaste débat s’est engagé.
Mais ce débat doit bel et bien se fonder sur des faits et non sur des procès d’intention. La réforme de l’audiovisuel public mérite un réel débat de fond et non des postures politiciennes.
Parce qu’il touche à la télévision de tous les Français, qui s’invite chaque jour directement au cœur de millions de foyers et fait partie de leur quotidien et même de leur patrimoine culturel commun, ce débat mérite mieux que des petites phrases, des polémiques, et des indignations factices !
Que propose réellement le projet de loi défendu par le Gouvernement ?
De substituer à la logique aléatoire de la ressource publicitaire – dont tout le monde sait qu’elle pâtit aujourd’hui sévèrement de la crise – un financement public garanti, pérennisé et stable, dont le montant a été fixé par la commission parlementaire présidée par Jean-François Copé, et dont je salue le formidable travail.
L’Etat garantira donc 450 millions d’euros par an pendant les trois prochaines années à France Télévisions. C’est inscrit noir sur blanc dans la loi de Finances pour 2009 que nous avons adoptée. Dans un contexte économique mondial contraint, tendu et surtout très incertain, garantir les recettes est un gage fondamental de sécurité pour l’audiovisuel public.
Je souhaite d’ailleurs insister sur le travail qui sera celui des commissions du Sénat pour, chaque année, surveiller l’utilisation de ces crédits, notamment par le biais d’un rapport qui serait confié au CSA et examiné par le Parlement dans le cadre de la loi de finances. Les membres de la Commission des Affaires Culturelles, dont je suis, seront, aux côtés de notre Président Jacques Legendre, très attentifs à cette question.
Ce financement sera dynamique puisque indexé sur l’inflation, tout comme le sera désormais la redevance, qui reste l’une des plus basses d’Europe (moins de 10 euros par mois !), et pour laquelle le Parlement, seul compétent pour fixer son évolution, devra se faire entendre pour trouver un nécessaire équilibre et ne pas entamer le pouvoir d’achat des Français.
A propos de la redevance audiovisuelle, il nous faudra certainement, à terme, engager une réflexion pour sa modernisation. A l’heure actuelle, son nom lui-même et sa présentation – adossée à la taxe d’habitation – sont trop souvent source de confusion et d’incompréhension de la part du public, s’agissant à la fois de sa nature, de son fondement et de son utilisation.
Pourquoi ces moyens ? Pour que la télévision publique, et c’est là le cœur, l’objet principal de cette réforme qu’il ne faut perdre de vue, puisse retrouver la liberté sans la course à l’audience et la pression de la publicité. Une liberté d’être elle-même, différente, inventive, de prendre des risques et d’affirmer encore d’avantage sa spécificité et sa singularité.
Cela passe par la création et la diffusion de fictions ambitieuses, de chefs d’œuvres du patrimoine cinématographique, de programmes culturels comme du théâtre en direct une fois par mois, mais aussi par des émissions plus populaires et audacieuses comme « Plus belle la vie », un programme qui n’aurait jamais eu le temps de rencontrer son public sur une chaîne privée et d’avoir le succès qu’il connaît aujourd’hui.
Sortons de la caricature facile : non, le gouvernement ne fait pas de « cadeaux » aux chaînes privées ! Le texte prévoit de taxer les recettes publicitaires de ces chaînes.
Il faut en effet bien être conscient que les télévisions privées concourent elles aussi aujourd’hui fortement à la création audiovisuelle à travers leurs obligations de production. C’est une spécificité française à laquelle nous tenons tous. Ces obligations étant assises sur le chiffre d’affaire des chaînes, tout le monde a intérêt à ce qu’elles soient en bonne santé.
C’est pourquoi, dans un contexte de crise, il fallait ouvrir les « fenêtres » publicitaires des chaînes privées, en transposant la directive européenne « service de médias audiovisuels » et en autorisant la seconde « coupure pub ».
La règlementation française est parmi les plus strictes, et nous savons que les circuits publicitaires se sont diversifiés pour les annonceurs, remettant profondément en cause les schémas publicitaires traditionnels.
Il était là encore nécessaire d’agir, pour que les investissements publicitaires ne se reportent pas vers le hors-média ou l’affichage, qui n’ont, eux, aucune obligation de production et dont la concurrence menace l’équilibre financier de notre audiovisuel public. Désormais, la programmation de fictions longues permettra de mieux financer encore les programmes de création.
Non, mes chers collègues, le gouvernement ne souhaite pas un retour à « l’ORTF » ! Le projet de loi prévoit que le Président de France Télévisions, chargé de porter les missions de service public, soit désigné par un système de « triple autorité » : l’Etat le nommera après que le CSA y ait consenti, ainsi que les Commissions des Affaires Culturelles des deux assemblées. Nous allons par ces mesures gagner en transparence, et mettre fin à un système de nomination hypocrite.
Un Président et un gouvernement qui se donnent la possibilité d’aller chercher des personnalités de talent, qui n’auraient pas pu être candidates avec l’ancien système. Un CSA qui devra donner un avis conforme. Des commissions parlementaires qui valident ce choix : peut-on sincèrement y voir la marque d’un quelconque totalitarisme ? Comment, en tout état de cause, le représentant du principal actionnaire pourrait-il ne pas avoir son mot à dire s’agissant de la nomination du Président ?
Le texte qui nous est aujourd’hui soumis, ne remet absolument pas en cause le « périmètre » de la télévision publique. Il vise même, en rénovant en profondeur l’organisation de la structure, à lui offrir les moyens de ses nouvelles ambitions.
De la « holding » qu’elle est actuellement, France Télévisions va devenir une entreprise unique, qui réunira différentes « antennes ». Ce nouveau statut permettra à la société d’avoir une direction et une stratégie homogène. Cela lui permettra aussi de simplifier les contraintes de gestion de chaque chaîne pour qu’elle puisse se recentrer sur l’activité de diffuseur de programmes, et, de faire émerger des synergies entre les activités et les ressources humaines ou techniques des antennes.
Nous serons attentifs pour que la transformation de France Télévisions en entreprise unique renforce l’identité des chaînes qui la composent : France 2, chaîne fédératrice de tous les publics ; France 3, chaîne de la proximité ; France 4, chaîne de la jeunesse et des nouvelles générations ; France 5, chaîne des savoirs et de la connaissance ; France Ô, chaîne des cultures d’outre-mer et de la diversité.
Nous serons également vigilants, afin que la transformation en entreprise unique garantisse l’indépendance et l’identité éditoriale des rédactions, et conforte France Télévisions dans la poursuite de ses missions de service public.
Je tiens d’ailleurs à souligner que le Président Patrick de Carolis, dès son arrivée à la tête de France Télévisions, s’est attaché à développer les synergies internes afin de construire un groupe plus cohérent, plus efficace, capable de tenir son rang face aux opérateurs privés et d’améliorer sans cesse la qualité et la spécificité de ses programmes.
Cette modernisation du fonctionnement du groupe France Télévisions, initiée en interne bien avant même les annonces du Président de la république démontre toute la nécessité que revêtait cette réorganisation de l’entreprise France Télévisions.
Enfin, et puisque le Sénat est le représentant des territoires au sein du Parlement, je tiens à rassurer mes collègues qui pourraient s’inquiéter du devenir de ce précieux vecteur d’information, et même de cohésion locale, que sont les antennes régionales de France 3.
Le projet de loi confirme la vocation régionale de France Télévisions, à travers la diffusion de décrochages spécifiques, y compris aux heures de grande écoute, de programmes reflétant la diversité régionale, et l’information de proximité.
Les différentes antennes du groupe assureront ainsi plus que jamais la synthèse entre les différents niveaux d’information : nationale et internationale, régionale et locale.
Le développement régional de France 3 reposera sur la création de « web TV » via internet, à partir des 24 bureaux régionaux d’information, sur l’instauration d’un décrochage régional au sein du dernier journal télévisé, et sur le renforcement de l’offre régionale du 19-20.
C’est d’ailleurs sur ce point que je souhaite insister pour conclure mon propos, sur la capacité d’innovation du service public, et sur l’opportunité que constitue cette réforme pour véritablement inventer un nouveau service public de la communication audiovisuelle.
A l’heure de la généralisation des nouvelles technologies, il faut en effet souligner que le service public a déjà fait beaucoup plus que le secteur privé pour le développement du « média global ». Le service public doit encore être encouragé dans cette voie et doit démontrer sa formidable capacité d’innovation, car c’est aussi sur ce terrain que se jouera l’avenir de l’audiovisuel.
Mes chers collègues, ce que propose en définitive ce projet de loi, c’est une réforme globale et cohérente, qui donne à l’ensemble du paysage audiovisuel les moyens de miser sur les contenus, sur leur qualité, leur originalité et leur accessibilité, au bénéfice de tous les téléspectateurs, c’est-à-dire de tous les Français.
Nous avons devant nous un plan de réforme complet, sans précédent.
Comme le Président Gérard Larcher l’a affirmé, il est de notre responsabilité, sur ce texte qui touche tous les Français dans leur quotidien et leur diversité, que le Sénat fasse entendre sa voix, et prenne toute sa part dans cette importante réforme.
Mes chers collègues, je souhaite d’ores et déjà vous préciser que, pour sa part, le groupe UMP aborde ce débat dans un esprit constructif et d’ouverture, et sera attentif aux contributions et amendements émanant de tous les groupes politiques, dans la mesure où ils contribuent à l’enrichissement du texte.
Madame la Ministre, c’est un texte courageux et audacieux que vous défendez, qui marque une réelle ambition pour le service public de l’audiovisuel.
C’est la raison pour laquelle le groupe UMP lui apportera tout son soutien. "
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