Dans un courrier qu’elle a adressé le 30 juin à Monsieur Raphaël RUFFIER-FOSSOUL, Rédacteur en chef de la revue Lyon Capitale, Catherine DUMAS critique la réalisation, la présentation et les conclusions d’une enquête publiée dans les colonnes du numéro de « Lyon Capitale » n°691, et proposant un « classement » des sénateurs.
« Monsieur le Rédacteur en Chef,
Permettez-moi de vous exprimer ma stupéfaction et mon profond mécontentement quant à la réalisation, la présentation et les conclusions d’une enquête publiée dans les colonnes du numéro de « Lyon Capitale » n°691, et proposant un « classement » des sénateurs.
Cette étude, outre ses inexactitudes (par exemple l’affirmation « pour info, un mandat de sénateur dure 9 ans », ou encore de nombreuses autres données chiffrées erronées), semble en effet avoir été construite et réalisée en se fondant sur des critères simplistes, et une méthodologie pour le moins discutable, qui démontrent assurément une méconnaissance des rouages législatifs et de la réalité du travail parlementaire.
Sous couvert d’informer nos concitoyens, cette étude, enveloppée dans une « pseudo-légitimité » statistique et comptable, ne peut que décrédibiliser les élus, et même l’institution sénatoriale, en exploitant les clichés sur le prétendu absentéisme et l’inaction des sénateurs.
Les conclusions et les analyses, qui sont arbitrairement tirées de la simple lecture d’une accumulation de chiffres, sont purement et simplement édifiantes. Je comprends qu’il puisse être tentant d’exploiter l’actualité récente pour entretenir un sensationnalisme et un climat, très vendeur, de suspicion permanent entre les Français et leurs élus. Mais affirmer que la majorité des élus du Sénat « passent simplement dire bonjour à intervalles réguliers » et sont des parlementaires « à mi-temps » relève réellement, au mieux, de la désinformation, au pire de la pure démagogie.
S’agissant de votre étude en elle-même, je souhaite vous faire part des observations suivantes :
- S’agissant du travail législatif à proprement parler, qui est le cœur de l’activité d’un sénateur, retenir comme critère unique la rédaction ou co-signature d’une proposition de loi, sans étudier la rédaction d’amendements et leur éventuelle adoption en séance revient à méconnaître la réalité de la vie parlementaire. Une large majorité des textes examinés par le Sénat étant en effet d’initiative gouvernementale, l’apport indéniable du travail parlementaire et l’amélioration des textes par voie d’amendement, en commission ou en séance, est en effet primordial.
- Le simple recensement des interventions en séance est, lui aussi, totalement dépourvu d’analyse qualitative, puisque même les simples interjections, exclamations ou protestations (« Ah ! », « Tout à fait ! ») sont comptabilisées sur le site internet du Sénat comme une intervention à part entière. Nos concitoyens méritent assurément d’être informés sur le contenu réel des débats et les échanges, souvent très constructifs, au sein de l’hémicycle du Sénat.
- Aucune notice explicative ou un quelconque barème n’est annexé à votre étude. Comment, et sans aucune pondération, peut-on simplement additionner des aspects très divers, mais néanmoins complémentaires, du travail quotidien d’un parlementaire ? Doit-on considérer qu’interpeller un Ministre le jeudi devant les caméras, lors des séances de Questions d’Actualité, « rapporte autant de points » que de défendre et faire aboutir un dossier, national ou local, sur le long terme ? La rédaction d’une proposition de loi peut-elle valablement être placée sur le même plan qu’une simple présence en commission ?
- Enfin, et s’agissant de mon cas personnel, les informations que vous publiez sont incomplètes, puisque vous indiquez que je n’ai rendu aucun rapport au cours de la session écoulée, confirmant ainsi le caractère tout à fait aléatoire des résultats et la vision partielle de votre analyse. Le Premier Ministre m’a en effet confié une mission parlementaire sur « les savoir-faire traditionnels, les métiers d’art et du luxe », et j’ai eu l’honneur de lui remettre mon rapport parlementaire le 19 octobre 2009, à Matignon.
Doit-on considérer, selon vos critères, que la rédaction de ce rapport parlementaire, réalisé à l’issue de 72 auditions et 22 déplacements, et plébiscité par les professionnels de la filière, ne peut être assimilé à du travail parlementaire tout simplement parce qu’il n’est pas recensé sur le site internet du Sénat ? Doit-on conclure que le suivi de la mise en œuvre des propositions de ce rapport, dont je suis chargée à la demande du Premier Ministre, est moins important à vos yeux que le simple fait de rédiger une question écrite ?
Je vous précise en outre qu’à côté de ce travail parlementaire « visible », j’ai, comme un grand nombre de mes collègues, de nombreuses activités liées directement au travail législatif. J’ai par exemple, et ce rien que sur la session parlementaire écoulée, été à l’initiative du lancement du « Club parlementaire de la Table Française » (que je co-préside avec un sénateur et un député, et qui réunit plus de 300 parlementaires), de la relance de « l’amicale parlementaire de la bijouterie, joaillerie et orfèvrerie », et tout dernièrement de « l’amicale parlementaire des foires, salons, et congrès de France ». Ces trois secteurs représentent plusieurs centaines de milliers d’emplois en France, à promouvoir et à défendre puisqu’ils participent au rayonnement de la France dans le monde.
Tels sont les éléments que je tenais à porter à votre connaissance, en espérant qu’ils permettent, à l’avenir, d’apporter à vos lecteurs une information plus juste car plus proche de la réalité du travail parlementaire.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Rédacteur en Chef, mes salutations distinguées.
Catherine DUMAS
Sénatrice et Conseillère de Paris »
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